S’il cultive une certaine forme de discrétion, inversement proportionnelle à son immense popularité, Francis Cabrel n’en oublie pas pour autant de venir, régulièrement, nous donner de ses nouvelles et nous parler de ce monde qui n’est pas toujours sérieux. Fidèle à ses valeurs, cet artisan poète n’a pas son pareil pour délicatement tisser des chansons qui parlent au cœur et à l’esprit, résonnant à jamais dans notre mémoire collective en nous invitant à toujours prendre des chemins de traverse.
D’une montagne à l’autre, du pied des Pyrénées aux contreforts des Alpes, quelques notes douces et poétiques s’envolent au vent, avec tendresse, depuis plus de quatre décennies pour nous accompagner encore et encore dans nos vies mouvementées, et, de loin en loin, nous offrir quelques cartes postales musicales qui font voler en éclats ces murs de poussière qui ont tendance à venir nous enfermer dans le quotidien. Ainsi, lorsque l’envie le prend de quitter son antre d’Astaffort, où il accueille chaque année de jeunes talents lors d’ateliers d’écriture, Francis Cabrel emprunte ces chemins de traverse qui le mènent en terre connue pour venir, de sa plume sensible, dire ces mots qui illustrent si bien nos propres préoccupations. Ainsi, telles de sublimes cartes postales témoins du temps qui passe, chacun de ces quatorze albums distillés au fil des décennies, est venu nous donner de ses nouvelles, nous offrant à chaque fois des bijoux de chansons, ciselées avec minutie par un orfèvre des mots et des mélodies pour entrer en nous et ne jamais, jamais en sortir. Qui, aujourd’hui, ne saurait pas, au minimum, fredonner le refrain, de «Petite Marie», «La dame de Haute-Savoie», «La corrida», «L’encre de tes yeux», «Je t’aimais, je t’aime, je t’aimerai», «Encore et encore», «La cabane du pêcheur», «Sarbacane» ou bien le délicat «Il faudra leur dire», plus tard adapté par Ray Charles ?... A n’en pas douter peu de gens tant les chansons du troubadour sont entrées dans notre patrimoine commun ! Engagé et singulier, résolument à part sur la scène française, Francis Cabrel vise le ciel pour mieux toucher les cœurs et les esprits, préférant toujours prendre son temps pour trouver le mot juste et la note idéale, question d’équilibre, de presque rien qui dit tout. Alors, aujourd’hui, dans ce monde qui va trop vite, lui continue à tracer son chemin comme bon lui semble, s’autorisant, pourquoi pas, à sortir des singles plutôt qu’un album, comme ces «On arrive demain» ou «Morceau de Sicre», hommage à Toulouse et à Claude Sicre le fondateur des Fabulous Trobadors, sortis en fin d’année dernière et n’annonçant aucun disque à venir. Fidèle à ses convictions personnelles, à son exigence musicale, il reste libre et passionné, Francis Cabrel continuera donc encore, et pour notre plus grand plaisir, à sillonner les routes, parfois trop balisées, de la chanson française comme il l’entend, entre authenticité et humilité, pour rendre le monde un peu moins sourd et nos vies un peu plus douces. Et lorsque, un samedi soir sur la Terre, il prend sa guitare pour jouer à St Julien, une chose est sûre, c’est que l’on est à un jet de sarbacane d’un bonheur simple et total !